Thursday 5 April 2012

Le regroupement familial est la possibilité donnée à des membres d'une famille

Document législatif n° 4-467/1

4-467/1

4-467/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

9 JANVIER 2008

Proposition de loi modifiant l'article 11 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en vue de protéger de l'expulsion la personne victime d'actes de violence physique de son partenaire dans le cadre du regroupement familial

(Déposée par Mme Sfia Bouarfa et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le regroupement familial est la possibilité donnée à des membres d'une famille séparés entre plusieurs pays de se retrouver.
S'il n'existe pas réellement d'information fiable disponible quant aux motifs de l'immigration, il est de tradition de considérer le regroupement familial comme la principale source d'immigration depuis 30 ans. Ainsi, on peut observer que sur les 30 524 visas de longue durée (autorisation de séjour de plus de 3 mois) délivrés en 2005 par la Belgique, plus de la moitié concernaient des regroupements familiaux.
La loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, modifiée entre autres par la loi du 15 septembre 2006, fixe les modalités de la procédure et les conditions auxquelles doivent répondre les candidats au regroupement familial.
Le regroupement familial vise, d'une part, la famille étrangère de ressortissants originaires d'un pays extérieur à l'Espace économique européen (EEE) en séjour légal sur la base de l'article 10 de la loi de 1980 susmentionnée et, d'autre part, la famille étrangère de citoyens belges ou de ressortissants originaires de l'EEE en séjour légal sur la base de l'article 40 de la même loi de 1980. En raison de la distinction établie entre ces deux catégories de ressortissants candidats au regroupement familial, le présent texte ne vise que les bénéficiaires du regroupement familial sur la base de l'article 10.
Une fois la demande introduite, la décision visant l'autorisation de séjour doit être prise dans les 15 mois (9 mois puis deux fois 3 mois).
La durée du titre de séjour varie en fonction du statut auquel est rattaché l'étranger rejoint:
— si ce dernier dispose d'un séjour illimité, la durée du titre de séjour sera provisoire et de 3 ans;
— si ce dernier dispose d'un droit de séjour limité, l'autorisation de séjour reçu par les arrivants sera de la même durée.
Un droit de séjour définitif, et surtout autonome, ne sera reconnu aux bénéficiaires du regroupement familial qu'à l'expiration du titre provisoire susvisé.
Selon le législateur, cette durée limitée et provisoire du titre de séjour se justifie par la volonté de lutter contre les mariages de complaisance.
Effectivement, durant la période de validité du titre de séjour provisoire, en vue de sa prorogation, de son renouvellement ou de sa mutation en fin de période de validité en un titre d'établissement définitif, des contrôles sont effectués par des agents de police devant vérifier si l'étranger accueilli sur le sol belge remplit bien les conditions justifiant le regroupement familial. Une de ces conditions, la plus fréquemment vérifiée, est celle de l'effectivité de la vie conjugale et familiale.
Le législateur justifie cette condition par la nature même du regroupement familial qui vise « à permettre la reconstitution ou la création d'une cellule conjugale ou familiale sur le territoire belge, et est donc fondé sur la volonté des personnes concernées de vivre ensemble ».
Le législateur a ainsi prévu qu' « en cas de rupture de l'effectivité de cette vie conjugale ou familiale, démontrée notamment par une séparation de fait, la situation des membres de la famille doit pouvoir être revue ». Il est donc clairement établi que, si les personnes visées n'entretiennent pas, ou plus, de vie conjugale, le droit de séjour du conjoint qui a rejoint peut être refusé, retiré ou ne pas être prolongé.
La preuve de l'entretien effectif de la vie conjugale passe le plus souvent par la cohabitation des personnes concernées. Si cette condition de cohabitation peut se justifier, comme il l'a précédemment été dit, par la volonté de contrer les abus, elle a malheureusement des effets pervers.
Le premier de ces effets, inhérent à ce type de système, est la dépendance administrative du conjoint en situation temporaire vis-à-vis du conjoint rejoint. Cette situation est propice à toutes sortes d'abus, de pressions et de chantages.
Cette dépendance peut effectivement s'avérer problématique lorsque l'étranger rejoint se livre, par exemple, à des faits de violence conjugale à l'égard de son conjoint.
Ce dernier, ainsi violenté, peut en effet être soumis à cet horrible chantage: soit il se résigne à accepter les coups pour pérenniser cette vie conjugale effective et ainsi continuer à remplir légalement les conditions dont dépend son titre de séjour, soit il les refuse, décide alors de rompre la vie conjugale avec son partenaire violent et dans ce cas doit assumer le fait qu'il ne remplit plus les conditions exigées au regroupement familial et peut donc perdre son droit de séjour.
Comment notre société peut-elle accepter que des personnes, en majorité des femmes, soient dans la douloureuse obligation d'accepter de subir ces violences, de peur de perdre leur droit de séjour ?
Pour reprendre l'exposé des motifs qui servit en 2002 à motiver le projet nº 2-1326, aujourd'hui devenu la loi du 28 janvier 2003 visant à l'attribution du logement familial au conjoint ou au cohabitant légal victime d'actes de violence physique de son partenaire, il est important de rappeler que depuis longtemps « la Belgique s'est engagée dans un processus de condamnation claire de la violence conjugale et a développé des programmes apportant des réponses précises, sur le plan de la prévention, de la sanction et de l'assistance aux victimes ».
Pour les auteurs, cette obligation d'assistance aux victimes de violence conjugale doit évidemment également comprendre ces personnes en possession de titres de séjour temporaire. Pour rencontrer cet objectif, il est indispensable de permettre à ces femmes de se protéger, et cela ne peut évidemment se passer que par la rupture de la cohabitation avec le conjoint violent.
Actuellement, l'article 11, § 2, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980 précitée dispose que « le ministre ou son délégué prend particulièrement en considération la situation des personnes victimes de violences dans leur famille, qui ont quitté leur foyer et nécessitent une protection. Dans ces cas, il informera la personne concernée de sa décision de ne pas mettre fin, sur la base de l'alinéa 1er, 1º, 2º ou 3º, à son séjour ». Clairement, actuellement, si une victime de violences au sein de son foyer rompt la vie conjugale effective avec son partenaire rejoint, il appartient au seul ministre la faculté de ne pas mettre fin au titre de séjour de la personne concernée. Ne pas garantir à la victime que sa décision en matière conjugale ne portera certainement pas préjudice à son autorisation de titre de séjour, revient à ne pas lui assurer une réelle protection et assistance.
Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent logiquement que soit retiré au ministre ce pouvoir d'appréciation. Il semble effectivement primordial de réellement, donc de systématiquement, protéger ces victimes, d'une part, des violences subies et, d'autre part, de la possibilité d'être expulsées. Il est donc proposé de créer une impossibilité légale de mettre fin à un titre de séjour lorsque la personne visée a subi des violences.
Les violences visées dans la présente proposition sont celles définies aux articles suivants du Code pénal: articles 375, 393, 394, 397, 398 à 400, 402, 403 et 405. Il semble pertinent aux auteurs du présent texte de se référer aux même faits que ceux qui permettent actuellement au juge de paix de fixer les résidences séparées et d'attribuer la jouissance de la résidence conjugale à la victime de ceux-ci, et ce, conformément à l'article 1447, alinéa 2, du Code civil, tel que complété par la loi du 28 janvier 2003 susmentionnée.

Sfia BOUARFA
Olga ZRIHEN
Anne-Marie LIZIN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 11 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, remplacé par la loi du 15 septembre 2006, sont apportées les modifications suivantes:
A) le § 1er, alinéa 1er, 2º, est complété par le membre de phrase suivant:
« ; toutefois, le ministre ne peut mettre fin au séjour de l'étranger qui a été victime d'un fait visé aux articles 375, 398 à 400, 402, 403 ou 405 du Code pénal ou d'une tentative d'un fait visé aux articles 375, 393, 394 ou 397 du même Code, ou s'il existe des indices sérieux que de tels comportements ont été commis; »;
B) le § 2, alinéa 1er, 2º est complété par le membre de phrase suivant:
« ; toutefois, le ministre ne peut mettre fin au séjour de l'étranger qui a été victime d'un fait visé aux articles 375, 398 à 400, 402, 403 ou 405 du Code pénal ou d'une tentative d'un fait visé aux articles 375, 393, 394 ou 397 du même Code, ou s'il existe des indices sérieux que de tels comportements ont été commis; »;
C) au même § 2, l'alinéa 4 est abrogé.
Art. 3
La présente loi entre en vigueur le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publié au Moniteur belge.
30 novembre 2007.


Sfia BOUARFA
Olga ZRIHEN
Anne-Marie LIZIN.


http://www.senate.be/www/?MIval=/publications/viewPub&COLL=S&LEG=4&NR=467&PUID=67109441&LANG=fr 

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