Friday 6 April 2012

Reconversion professionnelle et intégration sociale de la communauté vietnamienne au Canada

Reconversion professionnelle et intégration sociale de la communauté vietnamienne au Canada [ Bulletin EDA n° 279 ]

16/01/1999 - par par Lâm Thanh Liêm
Le 30 avril 1975, la chute de Saigon marquait le début d'un exode massif sans précédent dans l'histoire (par voie aérienne, terrestre et maritime). Les exilés se sont éparpillés dans le monde entier, depuis l'Australie jusqu'à l'Europe à économie libérale et à l'Amérique du Nord. En vingt ans (1975-1995), ce continent a reçu à lui-seul plus d'un million de réfugiés vietnamiens. Ce nombre n'a cessé de progresser pour atteindre actuellement plus d'un million et demi (dont 1,4 aux Etats-Unis (1), et 150.000 au Canada) (2), si l'on ajoute aux premiers arrivés la "deuxième génération" née en Amérique.
I - LES DIFFERENTES VAGUES D'IMMIGRATION VIETNAMIENNE AU CANADA
1(/ Première vague (1975-1976)
Avant la fin de la guerre au Vietnam, les gens proches du pouvoir ont été "évacués" rapidement par les forces armées américaines, notamment vers les bases militaires californiennes.
Selon les statistiques américaines et onusiennes (3) concordant avec celles dressées par Hanoi, la première vague de réfugiés est évaluée à 143.000 Vietnamiens, dont environ 8.000 ont demandé l'asile au Canada et aux pays d'Europe à économie libérale (en particulier la France, l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, etc..), au titre du regroupement familial. Parmi ces derniers, 3 719 se sont fixés au Québec: "instruits, fortunés et francophones..." (4), la plupart appartenaient aux classes dirigeantes (civiles et militaires) du régime de Saigon. Faute de données statistiques, on ignore les effectifs de réfugiés (peu nombreux) installés à la même époque dans les autres provinces canadiennes.
2(/ Deuxième vague (1978-1979)
Ceux qui n'avaient pu fuir par avion avant la chute de Saigon ont tenté leur chance par voie maritime. On les a appelés "boat-people". Ce type d'émigration a pris des formes diverses:
- L'émigration dite "semi-officielle" (5)
Elle a été organisée par Hanoi. Les "tarifs" d'émigration "semi-officielle" par voie maritime ont varié selon la nationalité d'origine des émigrés. Ils s'élevaient de 8 à 10 taëls d'or (1 taël = 37,50 grammes) pour les personnes d'origine chinoise, et de 10 à 12 taëls pour les personnes d'origine vietnamienne. Ces tarifs élevés n'étaient accessibles qu'aux familles de la "bourgeoisie saigonnaise" (banquiers, compradores, riches commerçants, hauts fonctionnaires, cadres, médecins, dentistes, pharmaciens, avocats, etc...). Beaucoup ont ainsi réussi à fuir le pays, lors des vagues de représailles à l'encontre des "capitalistes exploiteurs du peuple" et des campagnes de collectivisation forcée des terres dans le Sud-Vietnam en 1978-1979.
- L'émigration clandestine
Parallèlement, des gens moins fortunées ont organisé eux-mêmes leur fuite à l'étranger, par voie maritime. Issus en majorité des masses populaires peu instruites (ouvriers, contremaîtres, paysans, pêcheurs, dockers, militaires, etc..), ces "passeurs" se sont associés aux familles susceptibles d'apporter leur contribution financière pour l'achat, entre autres, d'une petite barque motorisée, du gazole, des vivres et" la location " aux agents de sécurité locale d'une plage d'embarquement destinée aux passagers clandestins; leur participation est de 2 à 3 taëls d'or par tête.
Commencées en juillet 1978, les vagues d'émigration "semi-officielle" et clandestine se sont succédées jusqu'à fin 1980. Selon le Haut Commissariat aux réfugiés, en dix ans (1975-1985), 650.000 "boat-people" sino-vietnamiens ont fui le pays, dont 20 à 30% ne sont jamais arrivés à destination, victimes des vagues, du soleil, des garde-côtes vietnamiens et malais, des pirates thaïlandais ou de l'indifférence des navires marchands sillonnant la mer de Chine méridionale. Ainsi, en dix ans, près d'un million de "boat-people" ont fui le régime communiste. Cette tragédie a suscité une vive émotion dans le monde, amenant le secrétaire général de l'ONU à tenir une conférence internationale à Genève (le 21-7-1979), où le Vietnam a été invité. Sous la pression de l'opinion internationale, Hanoi a dû accepter de mettre fin à la politique d'émigration "semi-officielle" et d'élaborer avec l'ONU des programmes de départs " organisés" par voie aérienne.
3(/ Les programmes de "départs légaux" à partir de 1980
Deux sortes de programmes sont à distinguer:
- Un programme de "départs organisés" est connu sous les initiales de l'expression anglaise O.D.P. (Orderly departure program).
- Un autre programme humanitaire appelé en abrégé du mot anglais H.O. (Humanitarian organization).
Le premier était destiné à favoriser le regroupement familial, Le second a permis aux hauts fonctionnaires et aux officiers de l'ancien régime sud-vietnamien de quitter "légalement" le pays pour rejoindre leurs proches à l'étranger ou se réfugier dans un pays d'accueil.
Ainsi, aux deux vagues de 1975-1976 et 1978-1979, il faut ajouter le flux continu de Vietnamiens venus
depuis 1980 s'implanter au Canada, en vertu des programmes ODP et HO.
Notre enquête par sondage sur un échantillon de 100 familles vietnamiennes (6) installées au Canada révèle que:
- Les deux tiers des chefs de famille de la première vague (1975-1976) ont un haut niveau d'instruction. Les uns étaient hauts fonctionnaires, officiers supérieurs, cadres (ingénieurs, juges, ministres, etc..), et les autres exerçaient des professions libérales (médecins, pharmaciens, dentistes, avocats, etc..).
- A l'inverse, plus de 80% des chefs de famille de la 2e vague (1978-1979) et la 3e vague (1980-1996) sont en majorité des classes populaires (ouvriers, pêcheurs, paysans, militaires, petits commerçants, etc..) et des cadres moyens (professeurs, instituteurs, fonctionnaires, officiers, infirmiers, etc...).
La même étude, effectuée par Walter Barnes aux Etats-Unis (chargé du programme des réfugiés et immigrés de la Californie) (7) a abouti à des résultats quasi-analogues:"8% seulement des réfugiés venus en 1975 étaient paysans, contre 38% arrivés cinq ans après...".
En définitive, selon les statistiques du Canada (8), 94.250 réfugiés vietnamiens étaient accueillis par ce pays en 1991. Ils étaient 136.810 au total en 1996. Si l'on prend en compte les enfants nombreux nés dans le pays d'accueil (en raison du jeune âge des nouveaux arrivants), la population vietnamienne devrait atteindre 150.000 personnes, soit 0,5% de celle du Canada (30 millions d'habitants en 1996). Ce pays se place donc au 4e rang du monde parmi les pays d'accueil des réfugiés vietnamiens, après les Etats-Unis, la France (170.000), l'Australie (160.000) et avant l'Allemagne (100.000).
II.- LA REPARTITION GEOGRAPHIQUE DE LA POPULATION VIETNAMIENNE AU CANADA
Les deux principales provinces canadiennes, situées sur la côte atlantique, l'Ontario (11 millions d'habitants) et le Québec (7,2 millions), ont accueilli à elles-seules 89.875 Vietnamiens (9). Si l'on ajoute les enfants nés dans ces deux provinces, on atteint actuellement 100.000, c'est à dire les deux tiers de la population vietnamienne au Canada.
1(/ Les provinces atlantiques
Le Québec
En se référant au recensement de 1986 et aux statistiques de réfugiés arrivés au Québec, de 1975 à 1992, Gérard Leblanc (9) a évalué à 25.406, le nombre des Vietnamiens. Celui-ci a continué d'augmenter rapidement, pour atteindre 27.620 en 1996 (30.000, si l'on ajoute les enfants nés au Québec); la majorité vit dans la région de Montréal.
Montréal11.535
Banlieue4.645
Total16.180
Ces données statistiques nous suggèrent les observations suivantes:
La région de Montréal rassemble plus de 16.000 Québécois d'origine vietnamienne, soit près de 60% des Vietnamiens du Québec.
Sur ce pourcentage, 71% soit 11.535 d'entre eux sont installés à Montréal (1,8 million d'habitants). Deuxième grande métropole économique canadienne après Toronto, Montréal et sa banlieue comptent 3,5 millions d'habitants (la moitié de la population québécoise).
A la différence des autres minorités asiatiques (Chinois, Japonais, Indiens, etc..), les Vietnamiens québécois ont tendance à vivre plutôt dispersés, sauf quelques concentrations dans certains quartiers populaires tels que "Côte-des-neiges" (Montréal ouest) par exemple, ou dans certaines villes de banlieue comme Brossard (750 Vietnamiens), Longueil (580) sur la Rive-Sud, ou Saint-Laurent (1.095) au nord-ouest de Montréal par exemple. L'existence d'immeubles de l'Etat inoccupés est à l'origine de cette concentration. En effet, les réfugiés ont été logés par les mairies, dès leur arrivée dans la région de Montréal (10). Les loyers modiques ont attiré les Vietnamiens: 200 dollars canadiens par mois (1 dollar = 4 FF) pour un deux-pièces de 70 m2 (charges, eau, électricité, téléphones compris). Les réfugiés et les retraités sont exonérés de taxe d'habitation. Des allocations de logement sont octroyées aux familles nombreuses à faible revenu. Les aides sociales (welfare), accordées aux retraités et aux réfugiés, sont assez substantielles: 500 à 600 dollars (suivant les municipalités) par personne d'âge actif, 1.100 dollars pour un couple. Les soins médicaux sont gratuits. Les dépenses mensuelles pour le logement et la nourriture n'excèdent pas 400 dollars pour un célibataire (200 dollars de loyers et 200 dollars de nourriture au maximum). Pas plus de 600 dollars pour un couple. Ainsi, le revenu minimum est suffisant pour leur assurer une vie décente.
Par contre, dans les autres municipalités (Saint-Léonard, Verdun, Anjou, Laval, etc..), la population vietnamienne va de 20 à 300. De même, ceux-ci sont peu nombreux dans les quartiers bourgeois comme à Mont-Royal (150). Ils y exercent surtout des professions libérales(médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, juristes, etc..). Le même phénomène de dispersion est également observé dans les autres villes québécoises. Québec par exemple (645.000 habitants) ne compte que 1.000 Vietnamiens, en majorité établis dans la banlieue.
A l'inverse, les Chinois vivent regroupés en colonies à l'étranger. Ainsi, le quartier célèbre, situé au nord-ouest de Montréal, à l'angle du Boulevard Saint-Laurent et de la Rue La Gauchetière, est très coloré, attirant de nombreux touristes. Créé vers 1860, lorsque les immigrants chinois sont venus au Canada pour travailler dans les mines ou construire des chemins de fer, il a pris un essor rapide depuis une vingtaine d'années, avec l'arrivée des hommes d'affaires des pays de l'Asie du Sud-Est et de Hongkong. La présence des Vietnamiens est plutôt discrète. Cependant, ils ont effectué d'importantes percées dans la restauration et le dépannage, deux secteurs qui demandent peu d'investissement, mais beaucoup de travail et de persévérance. Le plus souvent, une main d'oeuvre familiale contribue avec efficacité au fonctionnement de ces activités.
L'Ontario
Le nombre de réfugiés vietnamiens de Toronto a augmenté rapidement de 38.545 en 1991 à 62.055 en 1996 (70.000, avec les enfants nés de la "première génération"), soit un taux de croissance de 45% en cinq ans. Ils proviennent d'une part des camps de réfugiés de l'Asie du Sud-Est (en 1978-1980), et d'autre part, de Hô chi Minh-Ville, en vertu des programmes ODP et HO (1980-1996), alors que ceux de la première vague (1975-1976) avaient été accueillis par le Québec. Issus des familles plutôt modestes, les immigrés de l'Ontario sont souvent sans formation professionnelle, ayant reçu un niveau d'instruction relativement peu élevé, ce qui pose des problèmes concernant leur reconversion professionnelle, leur insertion et leur adaptation dans la société canadienne.
Sur 70.000 Vietnamiens en Ontario, environ 40.000 s'établissent à Toronto (la plus grande métropole économique du Canada peuplée de 3,9 millions d'habitants), 20.000 dans la banlieue, et le reste (10.000) se disperse dans les autres villes provinciales (11). La capitale fédérale Ottawa (1 million d'habitants) en abrite 3.000. Comme les autres minorités asiatiques, les Vietnamiens de Toronto vivent groupés près de "Chinatown". Celle-ci, située au nord du centre-ville, s'étend sur Dundas Street, de Bay Street à Spadina Avenue, puis continue vers le nord, de Spadina à College Street. Elle est particulièrement animée le samedi, jour des achats. Les plaques des rues, les enseignes des boutiques comme tout le reste sont en chinois. On peut y trouver toutes sortes de commerces (en gros et au détail): établissements d'import-export, supermarchés exotiques, restaurants, night-clubs, maisons de haute couture, grandes salles de cinéma (projetant des films en provenance de Chine, de Hongkong, de Taiwan, sous-titrés en anglais), galeries d'art, librairies, imprimeries, etc... Les Vietnamiens à revenu modeste sont logés en général dans les cités résidentielles de l'Etat à proximité de "Chinatown". Ils restent concentrés dans certaines rues telles que Landsdowne, Dufferin et College Street (au nord de la ville chinoise), Augusta, Spadina Avenue et Dundas Street (à l'Ouest). C'est au croisement de ces deux dernières rues que se développe le centre commercial vietnamien à Toronto. Les activités des immigrés vietnamiens débordent sur le quartier limitrophe à l'est, où un nouveau centre commercial a fait son apparition au carrefour Gerrard Street East et Parliament Street. Comme à Montréal, les Vietnamiens aisés de Toronto vivent plutôt dispersés dans la population canadienne. Souvent, après dix années d'immigration au Canada, leur situation financière est améliorée et se stabilise; attiré par le cadre de vie de certaines villes de banlieue comme Mississauga par exemple (située à 10 km au sud-ouest de Toronto, au bord du Lac Ontario), ils sont venus s'y fixer. Cette belle ville moyenne est actuellement en plein essor. Un nouveau centre commercial vietnamien s'est implanté, engendrant d'autres activités de service (restaurants, dépannages, soins médicaux et dentaires, officines pharmaceutiques, etc..), comme dans la "Chinatown" de Toronto.
2(/ Les autres provinces et les territoires canadiens
Les Vietnamiens sont peu nombreux dans le reste du pays, hormis la Colombie britannique (21.000) sur la côte Pacifique et l'Alberta, la seule province de la Prairie canadienne, qui en abrite 20.000, tandis que les deux autres provinces à l'intérieur du pays, Saskatchewan et Manitoba n'en ont accueilli respectivement que 2.000 et 3.000. Les autres provinces (Nouvelle-Ecosse, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, Ile-du- Prince-Edouard), ainsi que les deux territoires canadiens (Yukon et Territoires du Nord-Ouest) en abritent chacun quelques dizaines à quelques centaines (12). Ils sont disséminés surtout dans les villes telles que Calgary, Edmonton, Winnipeg, etc... et se fondent dans la population canadienne.
40% des Vietnamiens fixés en Colombie britannique vivent à Vancouver, dans les quartiers situés à l'est du centre-ville, à proximité de la "Chinatown", et 60% sont concentrés en banlieue sud-est (13), sur les axes "Kingsway" et "Broadway" (reliant la ville New-Westminster à la "Chinatown" de Vancouver). Sur ces deux routes larges à plusieurs voies devenues des rues commerçantes de la communauté vietnamienne, les magasins qui côtoient les établissements commerciaux canadiens et chinois, sont reconnus grâce aux enseignes bilingues en anglais et vietnamien . La plupart des Vietnamiens de Vancouver, originaires du Nord-Vietnam, viennent des camps de réfugiés de l'Asie du Sud-Est, et surtout de Hongkong dans les années 1988-1990 (14). Ils étaient paysans, pêcheurs, ouvriers, dockers, etc... ayant un bas niveau d'instruction. Ainsi, leurs activités commerciales demeurent modestes par rapport à celles de la "Chinatown". Celle-ci, accolée à la "Japantown", constitue le plus grand centre commercial asiatique sur la côte Pacifique. Les couleurs vives, l'ambiance de marché, la forte présence de la population chinoise animent Pender-Street East (la rue principale traversant la "Chinatown" d'ouest en est) et les rues avoisinantes (Carrall- Street, Gore- Street, Cordova- Street East, Hasting- Street East), etc...
Historiquement, la ruée vers l'or en 1858 a attiré en Colombie britannique des Chinois de San-Francisco et de Hongkong. Puis, la construction du chemin de fer transcontinental du Canadien-Pacifique a incité des milliers de travailleurs chinois à venir s'établir dans l'agglomération de Vancouver. Leur afflux incessant a inquiété le gouvernement, imposant d'abord une taxe aux immigrants chinois, puis interdisant par la suite leur immigration de 1923 à 1947. En raison de la présence du Canadien-Pacifique sur la côte ouest, Vancouver a détourné pendant très longtemps son attention de l'Océan Pacifique pour privilégier les liens avec le centre et l'est du pays. Le déclin du transport ferroviaire vers l'est à partir de 1960 a obligé Vancouver à changer radicalement d'orientation économique; depuis cette dernière date, la ville assume pleinement le rôle de "porte de l'Asie", de "métropole du Pacifique".
La prospérité des économies asiatiques (Japon, Corée du Sud, Hongkong, Taïwan, Singapour, Thaïlande, Malaisie, Philippines) et surtout l'explosion de leurs exportations ont engendré à la même époque l'expansion sans précédent du port de Vancouver. Celui-ci est devenu depuis 1980 le premier port canadien (avec plus de 70 millions de tonnes). Bien plus, Vancouver bénéficie d'un climat exceptionnellement clément (moyennes de 3(C en janvier et de 17(C en juillet) dans un pays connu pour ses hivers rigoureux et ses étés suffocants. Avec une végétation luxuriante et des paysages magnifiques, cette belle ville attire de nombreux Canadiens de l'est et les personnes âgées, ainsi que les Chinois fortunés de Taïwan, surtout de Hongkong. Ces derniers ont été nombreux à venir s'implanter à Vancouver, par crainte du retour de la colonie britannique dans le giron de la Chine communiste en juillet 1997. Ils ont investi, entre autres, dans l'industrie du bâtiment, et les Japonais, les Sud-Coréens, etc... dans les industries de pointe. Ces industries en plein essor offrent des débouchés d'emplois divers et variés, comme l'assemblage des appareils électroniques, exigeant une forte main-d'oeuvre habile et attirent particulièrement les travailleurs vietnamiens.
Faute de statistiques, on ne peut chiffrer avec précision les effectifs des immigrants asiatiques (autres que les Vietnamiens) à Vancouver. Troisième ville en importance au Canada avec 1.720.000 habitants en 1996 (contre 1.471.844 en 1989), Vancouver a un taux de croissance appréciable de 14% en sept ans. Son dynamisme démographique est dû sans aucun doute à l'immigration massive des Asiatiques, en particulier les Chinois de Hongkong. En vertu d'une décision du gouvernement canadien (14), les Hongkongais ont été autorisés à immigrer au Canada (avec les membres de leur famille), à condition de posséder 500.000 dollars canadiens déposés dans leur compte bancaire. A l'heure actuelle, on estime à 200.000 les Hongkongais installés à Vancouver, plus 100.000 Sud-Coréens et 20.000 Japonais (15). De 12.595 Vietnamiens recensés en 1991, ils sont passés à 21.095 en 1996, soit un taux de croissance fulgurant de 67% en cinq ans. Les Asiatiques de Vancouver totalisent à peu près 350.000 personnes (20% des Vancouverois). Quoique peuplée par une population aux origines variées (immigrants venus d'Asie et d'Europe, plus particulièrement d'Allemagne, de Pologne, d'Italie et de Grèce), Vancouver se caractérise par la prédominance des Britanniques, un héritage de l'époque coloniale.
III.- Les causes de l'importante implantation des Vietnamiens dans les provinces atlantiques
Leur concentration au Québec et en Ontario n'est pas un pur hasard. Elle est le résultat d'un concours d'événements et de circonstances, qui ont fait de ces deux provinces les plus peuplées du Canada les deux endroits de prédilection attirant le plus grand nombre de Vietnamiens. En effet, face aux flux de réfugiés sans cesse grandissant, des mesures d'urgence ont été prises par le gouvernement canadien pour endiguer ces vagues immigratoires. Ainsi, la politique dite de "sponsoring" a été lancée. Soutenu par les media, son succès a été immédiat. Tout le Canada a été mobilisé en cette circonstance exceptionnelle. Encouragées par le gouvernement fédéral et les autorités provinciales moyennant des subventions financières, diverses institutions religieuses (catholiques et protestantes) et associatives ont apporté leur contribution efficace dans la mission d'accueil et d'aide aux réfugiés. Une déduction d'impôts a été accordée à tous ceux qui ont accepté de les "parrainer". Les immigrants vietnamiens (déjà installés au Canada avant 1975) et les Canadiens de souche ont répondu massivement à l'appel du gouvernement.
- Les premiers étaient des diplomates, hauts fonctionnaires ou étudiants (boursiers ou non boursiers du Canada) de l'ex-régime de Saigon; ils s'implantaient en petit nombre à Ottawa (capitale politique et universitaire) et à Québec (ville administrative et universitaire). C'était à Toronto et surtout à Montréal, dotées d'importants centres universitaires et de grandes Ecoles de formation professionnelle, que les étudiants sud-vietnamiens en majorité francophones s'installaient pour faire leurs études supérieures. Ainsi, il existait déjà plusieurs noyaux vietnamiens solidement fixés au Québec et en Ontario. Leurs proches sont alors venus les rejoindre, au titre du regroupement familial.
- Ceux qui n'ont pas de proches au Canada ont été "sponsorisés" par les Canadiens de souche, vivant dans les grandes villes (Ottawa, Montréal, Toronto, Québec, etc...) connaissant bien des mesures prises par l'Etat. Dans leurs débuts particulièrement difficiles, ils ont eu besoin du soutien et d'aide de leur "tuteur", pour trouver un logement, un emploi ou un stage de formation professionnelle. Aussi ont-ils préféré s'installer près de leur sponsor. La politique de "sponsoring" a permis au gouvernement de contrôler et canaliser les flux de réfugiés vers les provinces d'accueil. Le "parrainage" a été d'une grande importance pour la fixation de beaucoup de Vietnamiens au Québec et en Ontario, où vivent la plupart des sponsors. Deux importantes communautés vietnamiennes se sont formées, dès la première vague de réfugiés en 1975-1976. Elles n'ont cessé de s'agrandir, en raison de l'afflux provenant d'abord de la 2e vague (1978-1979), et ensuite de l'arrivée continue de Vietnamiens pendant une quinzaine d'années, en vertu des programmes de "départs organisés".
Une communauté de moins de 20.000 Vietnamiens s'est fixée dans la région de Montréal, avec des concentrations plutôt diffuses dans le quartier "Côte-des-neiges" et les villes de Brossard et Saint-Laurent.
Une 2e communauté plus nombreuse s'est installée à proximité de la "Chinatown" de Toronto, où elle est nettement plus concentrée et constitue ainsi une véritable colonie de 40.000 Vietnamiens au moins, sans cesse en augmentation. La montée du mouvement séparatiste au Québec dans les années 1960-1970, accompagnée d'actes de violences, a inquiété les Canadiens anglophones. Cela se traduit par la fuite des entreprises anglaises, de la majorité des banques, des compagnies d'assurances et des firmes commerciales, hors du Québec. Ce conflit a donné à Toronto l'opportunité d'accueillir beaucoup d'entre elles, lui permettant de vaincre sa rivale, Montréal, dans la traditionnelle compétition économique entre ces deux villes. La délocalisation des entreprises a pour conséquence d'aggraver davantage le chômage du Québec avoisinant les 11%, au cours de ces dernières années. Touchés par la crise, nombre de Vietnamiens québécois émigrent vers Toronto à la recherche d'un travail. Grâce à l'entraide des proches et à la solidarité de leurs compatriotes, ils ont réussi dans leur nouvelle implantation. Ils y ont été rejoint par d'autres, en provenance des Provinces de la Prairie canadienne (Alberta, Saskatchewan, Manitoba).
De même, le dynamisme économique, le développement incessant de Vancouver depuis la fin des années 60, la douceur de son climat et les riches ressources naturelles attirent les Vietnamiens (spécialement dans les industries de précision et la pêche maritime) des autres provinces canadiennes. Certains ont voulu tenter leur chance et changer ainsi leur profession et ont réussi (5 chefs de famille de notre échantillon). Ainsi, Vancouver devient une nouvelle terre de prédilection pour les Vietnamiens (un certain Eldorado). Une 3e grande communauté est en cours de formation.
En bref, il existe au Canada trois importantes communautés vietnamiennes:
- Une est établie au Québec francophone;
- Deux autres en Ontario et en Colombie britannique anglophones.
La tendance à la dispersion des Vietnamiens prédomine dans le Québec et les concentrations ne sont qu'exceptionnelles. Ils s'adaptent à leurs nouvelles conditions de vie et cherchent à s'intégrer dans la société d'accueil. Ainsi, dans la région de Montréal, ils travaillent et vivent en harmonie avec les population locales, comme leurs compatriotes dans la région parisienne, ce qui n'est pas le cas dans les provinces anglophones, où les Vietnamiens comme les autres minorités asiatiques (Chinois, Japonais, Sud-Coréens, Indiens, etc...) ont tendance à rester groupés en communauté et vivent plutôt en circuit fermé dès que leur nombre devient important. La colonie vietnamienne à Toronto en est un exemple. Cette même tendance au regroupement semble se confirmer en banlieue sud-orientale de Vancouver. Mais, en général, les Vietnamiens ont peu de contacts avec les Canadiens de souche en dehors de leur travail (comme aux Etats-Unis d'Amérique). Des problèmes se posent concernant leur intégration dans la société canadienne anglophone.
IV - Reconversion professionnelle des réfugiés vietnamiens au Canada
Il n'existe pas de documents officiels concernant les professions d'origine des réfugiés vietnamiens. Or la connaissance relative à leurs activités antérieures est intéressante, et peut nous aider à mieux comprendre leur choix dans leur reconversion professionnelle et leurs éventuels problèmes actuels. Aussi avons-nous effectué une enquête par sondage auprès de 100 chefs de famille:
- 30 exerçaient des professions médicales;
- 20 des professions telles que l'ingénierie, la gestion, le comptabilité, etc..
- 50 des professions diverses (militaires, fonctionnaires, juristes, enseignants, commerçants, artisans, ouvriers, paysans, pêcheurs, etc...)
Parmi ces 100 familles composant notre échantillon, 40 habitent au Québec, 40 en Ontario et 20 dans les autres provinces canadiennes (Colombie britannique, Alberta, Manitoba).
I(/ - Les caractéristiques de la reconversion professionnelle des réfugiés vietnamiens
a/ La mobilité professionnelle
Hormis les médecins, les chirurgiens dentistes, les pharmaciens et les ingénieurs (ces derniers ayant obtenu leurs diplômes en Europe à économie libérale et aux Etats-Unis), qui continuent d'exercer leur métier après une brève période de recyclage, les autres catégories socio-professionnelles ont dû changer de profession.
Ainsi, sur 70 chefs de famille, qui exerçaient, avant 1975, des professions autres que celles de santé et d'ingénierie:
- 20 déclarent qu'ils ont changé de métier au moins 2 ou 3 fois, voire davantage avant de devenir titulaires d'un poste stable.
- 38 affirment avoir changé de profession une ou deux fois.
- 12 continuent d'exercer le même métier qu'au Vietnam.
Les causes du changement de profession et d'emploi sont multiples: difficultés des entreprises nécessitant la compression du personnel, faillites se traduisant par des licenciements économiques, délocalisation des entreprises (du Québec vers Ontario, par exemple), non équivalence des diplômes et surtout le manque ou l'insuffisance de formation professionnelle des travailleurs vietnamiens. Par ailleurs, certains de leurs diplômes (en lettres, en philosophie, en droit, par exemple) ne répondent pas aux besoins de la société canadienne. En conséquence, ils ont été obligés de subir une reconversion professionnelle. Pour survivre, les chefs de famille ont dû accepter d'abord des postes vacants ou temporaires (veilleurs de nuit, gardiens d'entrepôts, coursiers, plongeurs, aide-cuisiniers, etc...), avant de se reycler (pour faire valoir leurs diplômes) ou suivre un cours de formation professionnelle. Leur faible
revenu a été compensé par des aides sociales (welfare) et des allocations familiales.
b/ Le "déclassement" social, à l'issue de leur reconversion professionnelle
En raison de la non-équivalence de leurs diplômes et de leur manque de connaissance des langues étrangères (anglais et français), ils ont eu des difficultés à trouver un emploi conforme à leur spécialisation. Leur reconversion professionnelle s'est souvent traduite par un "déclassement" social.
c/ Le pourcentage élevé des femmes vietnamiennes actives
Sur 100 couples vietnamiens interviewés:
- 67% des femmes étaient mères au foyer avant 1975. Elles ne sont plus que 24% au Canada (à s'occuper du ménage et élever leurs nombreux enfants); 76% sont actuellement actives.
2/ Reconversion des différentes catégories socioprofessionnelles (16)
a/ Les professions médicales
En se référant à "La liste des médecins vietnamiens du monde libre" (17) et "La liste des pharmaciens vietnamiens du monde libre" (18) (avec leur adresse au Canada), on dénombre effectivement 501 médecins et 352 pharmaciens. Certains d'entre eux, pour des raisons personnelles ou d'un autre ordre, ne se sont pas recyclés pour obtenir l'équivalence de leurs diplômes et ré-exercer ainsi leur métier. Leurs noms ne figurent pas sur la liste des médecins et des pharmaciens. Selon le président de l'Amicale des pharmaciens vietnamiens en France, ils sont peu nombreux.
Le tableau de la répartition géographique des médecins et des pharmaciens vietnamiens en exercice au Canada fait ressortir leurs préférences dans le choix des provinces où ils se sont établis:
Ces données statistiques nous suggèrent les observations suivantes:
- Les médecins et les pharmaciens vietnamiens vivent particulièrement concentrés au Québec et en Ontario. Ces deux provinces regroupent à elles seules près de 90% des médecins et 94,5% des pharmaciens au Canada.
- On dénombre:
367 médecins (soit 73,2%) et 223 pharmaciens (soit 63,3%) installés au Québec.
83 médecins (soit 16,5%) et 110 pharmaciens (soit 31,2%) en Ontario.
- Plus précisément Toronto et surtout la région de Montréal sont les deux endroits de prédilection pour leurs activités. La métropole économique francophone rassemble près de 50% des médecins et près des deux-tiers des pharmaciens vietnamiens au Canada.
- Par contre, ils sont peu nombreux dans le reste du pays (1 ou 2 médecins vietnamiens par province, aucun pharmacien), sauf dans deux provinces anglophones (la Colombie britannique et le Manitoba) ayant accueilli chacune une dizaine de médecins et l'Alberta, où une vingtaine de médecins et une vingtaine de pharmaciens vietnamiens se sont fixés à Edmonton et Calgary.
Leur forte concentration dans la région de Montréal est liée à plusieurs facteurs:
Le problème d'équivalence de leurs diplômes.- Leur recyclage pour l'équivalence de leurs diplômes les a obligés à s'établir dans une grande ville universitaire. La région de Montréal est une terre de prédilection pour eux, car presque tous sont francophones. C'est un atout, qui leur a permis de s'adapter et de s'intégrer facilement dans la société québécoise. Bien plus, leur réinsertion sociale a été favorisée par le système d'équivalence des diplômes entre l'Université de Saigon et les Universités du Québec. Celles-ci leur ont accordé, avec une certaine facilité, l'équivalence de leurs diplômes, à condition de se recycler pendant 1 ou 2 ans (la 6e année pour la médecine, la 5e année pour la pharmacie et l'odontologie).
Les aides sociales intéressantes de la région de Montréal.- Dans leurs débuts souvent difficiles, les aides allouées par le gouvernement fédéral et les autorités locales ont été importantes comme les allocations familiales et de logement; en plus, les soins médicaux et dentaires sont gratuits, les bourses d'études pour leurs enfants nombreuses.
La préparation de l'avenir de leurs enfants.- L'importance accordée à certains diplômes (médecine, pharmacie, odontologie, ingénierie, etc...) est une tradition dans la société vietnamienne et perdure encore dans les familles vietnamiennes à l'étranger. En choisissant de s'installer dans la région de Montréal pour leur recyclage, les médecins, les chirurgiens dentistes et les pharmaciens ont voulu préparer en même temps l'avenir de leurs enfants. Cette grande métropole économique, dotée d'importants centres universitaires et de grandes écoles, leur offre des choix intéressants non seulement pour leur exercice professionnel, mais aussi pour la formation professionnelle de leurs enfants.
A l'exception de ceux qu'ils soignent dans les hôpitaux, les clients des médecins vietnamiens au Canada sont presque exclusivement leurs compatriotes et les immigrés (Chinois, Thaïlandais, Indiens, Pakistanais, Arabes du Moyen-Orient, Sud-Coréens, etc...). Il en est de même pour les soins dentaires et les officines. Cependant, pour les pharmacie-cliniques vietnamiennes installées au sein d'un centre médical tenu par des médecins canadiens, la majorité de la clientèle est constituée de Canadiens de souche. L'acupuncture, couramment pratiquée par les médecins vietnamiens en France, attire bon nombre de clients français de souche. Par contre, elle n'est pas considérée comme une spécialité au Canada. Un cours de formation professionnelle de six mois suffit pour ouvrir un cabinet d'acupuncture (sans avoir fait des études de médecine). Les frais d'acupuncture ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, et très peu de Canadiens de souche suivent un traitement par cette méthode.
En général, les cabinets privés des médecins et des chirurgiens dentistes vietnamiens rapportent un revenu confortable. Celui d'un médecin généraliste, par exemple, n'est pas inférieur à 80.000 dollars/an (1 dollar canadien = 4 FF). Le revenu brut moyen se situe entre 100.000 et 120.000 à Montréal, légèrement inférieur à celui de leurs homologues compatriotes à Toronto et Vancouver (120.000 à 130.000). Quant aux médecins spécialistes vietnamiens (ophtalmologistes, gynécologues, et autres spécialités), leur revenu brut varie de 150.000 à 200.000 dollars/an, nettement en dessous de leurs homologues canadiens de souche (250.000 à 300.000 ). Les résultats de nos enquêtes révèlent que le revenu des chirurgiens dentistes vietnamiens oscille autour de 90.000 à 100.000 dollars/an. L'assurance dentaire au Canada est volontaire, privée et chère (19), limitant ainsi le nombre de prothèses coûteuses à la charge des clients qui, souvent, ne sont pas assurées pour les soins dentaires.
Le revenu des pharmaciens est plus que suffisant pour vivre. Cependant, il se situe bien en dessous de celui des médecins et des chirurgiens dentistes. Par ailleurs, ceux qui sont diplômés des Universités canadiennes sont mieux rémunérés que leurs homologues compatriotes recyclés. Ces derniers touchent une rémunération annuelle de 32.000 à 35.000 dollars (contre 40.000 à 45.000 pour un pharmacien diplômé au Canada). Le revenu brut d'une petite pharmacie-clinique vietnamienne (employant un pharmacien et une laborantine) est estimé à 65.000 - 70.000 dollars/an. Faute de moyens financiers et à cause de la concurrence très sévère dans ce secteur, les pharmaciens vietnamiens sont généralement dans l'impossibilité d'avoir une officine. Celle-ci exige un apport minimum de 350.000 à 400.000 dollars (sans parler du fonds de roulement d'environ 30.000 dollars, nécessaire pour le stock de médicaments). Les prêts bancaires restent chers et le taux d'intérêt est modulable (autour de 12% par an). Ainsi, la plupart des pharmaciens vietnamiens sont salariés et payés aux tarifs horaires (19 à 25 dollars/heure, selon leur compétence et leur expérience).
A partir de 1980, la situation des réfugiés a beaucoup changé dans le secteur de la santé. Les médecins et les pharmaciens arrivés tardivement au Canada, grâce aux programmes ODP et HO, ont rencontré certaines difficultés. La durée du recyclage exigée pour l'obtention de l'équivalence de leurs diplômes a été allongée. Elle dure actuellement 3 à 4 ans, pour la médecine, 2 à 3 ans , pour la pharmacie. De surcroît, le diplôme "board", nécessaire pour ouvrir un cabinet médical ou une officine, est exigé, à l'issue de 2 examens, l'un portant sur l'anglais (cas des provinces anglophones) ou le français (cas du Québec), l'autre sur la spécialisation. Les médecins recyclés ont dû consacrer de 4 à 5 ans d'études, et les pharmaciens, de 3 à 4 ans, pour parachever 20 à 40 crédits.
En général, le reconversion professionnelle ne pose pas de problèmes dans le secteur de la santé. L'ensemble des médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes exilés au Canada ont repris l'exercice de leur profession, sauf deux cas dans notre échantillon, un médecin et une pharmacienne ayant renoncé à se recycler. Ils se sont reconvertis dans le commerce, l'un dans la restauration (patron d'un restaurant vietnamien), et l'autre dans le tourisme (directrice d'une agence de voyage). Tous les deux ont bien réussi dans leurs affaires et jouissent d'un revenu confortable (150.000 à 200.000 dollars/an). Comme aux Etats-Unis, les familles des médecins, des chirurgiens dentistes et des pharmaciens (avec un double revenu) font partie de la classe privilégiée ou de la classe moyenne supérieure au Canada.
b/ Les cadres, les ingénieurs et les techniciens
- Les cadres ont eu des problèmes pour s'adapter à la situation nouvelle. Leur reconversion professionnelle s'est avérée difficile, voire dramatique, à cause de la non-équivalence de leurs diplômes. Anciens hauts fonctionnaires de l'ex-régime de Saigon, ils étaient diplomates, administrateurs, sous-préfets, etc.... Leur position sociale a brusquement changé.
En effet, n'ayant pas la qualification professionnelle dans le pays d'accueil, ils ont dû accepter des postes vacants ou temporaires (veilleurs de nuit, gardiens d'entrepôts, plongeurs, etc...). Trois personnes de notre échantillon mentionnent qu'elles ont changé de profession et d'emploi trois fois, avant d'être titularisés à un poste relativement stable (comme ouvriers spécialisés). Pendant 2 ans, elles ont suivi un cours du soir de formation professionnelle. Leur revenu brut actuel oscille autour de 16.000 dollars/an.
- Pour les ingénieurs, deux cas sont à distinguer:
Deux ingénieurs chimistes étaient enseignants de la Faculté des sciences de l'Université de Saigon (l'un diplômé en France, l'autre aux Etats-Unis). Ils ont trouvé un emploi stable, après une courte période de recyclage. Le premier a été recruté par l'Université du Québec à Montréal comme enseignant-chercheur (avec une rémunération annuelle de 60.000 dollars). Le second a été embauché par une entreprise privée spécialisée dans l'environnement. Il touche un salaire de 45.000 dollars/an.
Deux ingénieurs des travaux publics et deux agents techniques diplômés tous au Sud-Vietnam ont eu beaucoup de difficultés à se recycler, en raison des conditions requises au Canada. Outre le problème de langue, ils ont dû refaire 2 à 3 années d'études pour l'obtention de l'équivalence de leur diplômes. Aussi ont-ils préféré se reconvertir dans une autre profession. Trois d'entre eux sont devenus ouvriers spécialisés, et le 4e, dessinateur industriel. La rémunération brute de ce dernier est de 20.000 dollars/an.
c/ Les enseignants primaires et secondaires
Ils sont une dizaine dans notre échantillon (6 professeurs, 4 instituteurs). Etant donné la non-équivalence de leurs diplômes, ils ont dû changer de métier.
- Deux se sont lancés dans le commerce. Ils ont pris l'initiative de créer une entreprise "familiale", un restaurant vietnamien. Le chef de famille assume la fonction de "gérant", et son épouse, cuisinière. Leur reconversion dans la restauration a été fructueuse. Par contre, le 3e, qui n'a pas réussi dans ce genre de commerce, a décidé de quitter la côte est pour s'établir sur la côte ouest. Avec l'aide d'un collègue compatriote, ancien professeur de philosophie devenu patron-pêcheur, il a trouvé d'abord un emploi comme marin-pêcheur à Vancouver en 1988. Après 3 ans d'expérience dans le métier, il a acheté un petit bateau de pêche côtière d'un montant de 70.000 dollars, 40% payés comptant, 60% à crédit (au taux modulable de 12% par an). La pêche lui rapporte un revenu brut de 45.000 dollars/an. Son épouse travaille comme ouvrière qualifiée dans une entreprise électronique japonaise et touche un salaire de 15.000 dollars/an. Leur dette a été remboursée assez rapidement.
- Les autres enseignants se sont reconvertis dans diverses professions telles que techniciens informatiques, laborantines (4 ex-professeurs), coiffeuses et esthéticienne (2 ex-institutrices) et typographe (un ex-instituteur).
d/ Les juristes
N'ayant pas obtenu l'équivalence de son diplôme, un avocat s'est reconverti dans le commerce et est devenu agent immobilier. Un ancien juge travaille dans un tribunal d'instance comme traducteur. Sa rémunération suffit pour "joindre les deux bouts".
e/ Les militaires
Nous en comptons une vingtaine dans notre échantillon.
- Un officier-pilote a dû changer de métier 7 fois, avant de devenir vendeur de voitures d'occasion et courtier d'assurances. Sa clientèle est essentiellement composée de Vietnamiens et autres immigrés.
- Les autres exercent diverses professions: livreur (un), agents de sécurité de banque (trois), plongeurs, serveurs de restaurants asiatiques (neuf), garagistes (un). La reconversion professionnelle de ce dernier est une réussite. Après sa formation professionnelle, il a travaillé d'abord comme apprenti, puis ouvrier qualifié dans une entreprise canadienne. Ayant acquis de l'expérience dans le métier et fait des économies, il a décidé de créer une entreprise "familiale". Son épouse y travaille comme secrétaire de direction, avec 2 Canadiens de souche, ouvriers salariés. Sa compétence et sa conscience professionnelle inspirent confiance aux clients vietnamiens et canadiens de souche. Son revenu brut atteint 200.000 dollars, voire 250.000 à 300.000 pour certaines bonnes années.
f/ Les paysans et les pêcheurs
Arrivés comme "boat-people", les paysans et les pêcheurs sont en majorité originaires du Nord-Vietnam. Pendant plusieurs années, ils étaient parqués dans des camps de réfugiés à Hong-Kong, avant d'obtenir l'asile au Canada. Ils se sont établis en Ontario, surtout en Colombie britannique en 1988-1992. Malgré leur bas niveau d'instruction et leur manque de connaissance en anglais, leur reconversion s'est bien passée.
- Certains ré-exercent leur métier de marin-pêcheur et perçoivent un salaire de 12.000 dollars/an chez un patron-pêcheur vietnamien, un peu plus chez un patron-pêcheur canadien de souche (12.000-13.000 dollars/an).
- D'autres se sont reconvertis dans le secteur industriel. Durant les décennies 1980-1990, les industries de pointe à Toronto et Vancouver ont été en plein essor. Ce type d'industrie offre des emplois divers et variés, demandant beaucoup de main-d'oeuvre. En effet, l'assemblage des appareils électroniques se fait à la chaîne, exigeant rapidité, doigté, minutie, patience, discipline. Ce genre de travail correspond au profil des travailleurs vietnamiens peu exigeants pour leur salaire, et est peu recherché par les Canadiens de souche. Les Vietnamiens, doués pour ce travail, s'y adaptent facilement, après une courte période de formation professionnelle, en dépit de leur faible connaissance de l'anglais. Chez eux, l'absentéisme est quasi inexistant, aussi sont-ils souvent recherchés et embauchés par les employeurs canadiens, japonais, sud-coréens, américains. Ces derniers ont investi d'importants capitaux dans ce secteur industriel à Toronto et Vancouver. Comme le salaire du chef de famille suffit à peine pour nourrir la famille, l'épouse doit aussi contribuer. Sur 76 femmes actives de notre échantillon, 40% travaillent dans le secteur secondaire, soit comme couturières à domicile (avec un revenu net de 700 à 800 dollars/mois), soit comme ouvrières qualifiées dans les industries électroniques, textiles, de l'habillement, etc...60% travaillent dans les secteurs de service (aide-soignantes, serveuses, cuisinières de restaurants asiatiques, etc...). La rémunération de ces dernières varie de 2.000 à 2.200 dollars/mois.
Grâce au double salaire, nombre de familles modestes au Vietnam se sont assimilés à la classe moyenne inférieure des familles canadiennes (avec un revenu annuel de 35.000 - 40.000 dollars, heures supplémentaires comprises).
Dans l'ensemble, la reconversion professionnelle des réfugiés vietnamiens au Canada s'est bien passée. Grâce à l'équivalence de leurs diplômes, certaines catégories socioprofessionnelles (médecins, chirurgiens dentistes, pharmaciens diplômés au Sud-Vietnam, ou ingénieurs formés à l'étranger) ont repris leur exercice professionnel au Canada, après une courte période de recyclage. Par contre, pour les autres catégories à savoir fonctionnaires, diplomates, juristes, enseignants, techniciens, etc...la non-équivalence de leurs diplômes les a obligés à changer de métier, ce qui se traduit par un "déclassement" social. Cependant, grâce à leur persévérance, leur ténacité, la plupart d'entre eux réussissent à vivre correctement, surtout ceux qui ont accepté d'exercer des métiers manuels. Leur situation matérielle et financière s'améliore progressivement. Presque tous ont une formation professionnelle et un emploi relativement stable.
Dix ans après leur implantation au Canada, 73% des familles de notre échantillon sont propriétaires d'une maison ou d'un appartement, 27% locataires. Ces derniers sont en majorité de nouveaux venus, dans les années 1990-1997, au titre du regroupement familial ou du programme HO.
V - Intégration des réfugiés vietnamiens dans la société canadienne
En général, ils ont une grande faculté d'adaptation et d'intégration dans la société du pays d'accueil, comme dit un proverbe vietnamien:
"Entrer dans une famille c'est en suivre les coutumes, entrer dans un fleuve c'est en suivre les méandres".
C'est dans cet esprit que les parents conseillent à leurs enfants d'adopter cette ligne de conduite. "Il faudrait", selon leur expression, "nous adapter à la société, dans laquelle nous vivons".
Ainsi, dans la région de Montréal, par exemple, les cadres et ceux exerçant des professions libérales (et ayant un revenu élevé) quittent leur premier logement pour se fixer en général dans les villes résidentielles ou de la classe moyenne des familles canadiennes (Mont-Royal, Brossard, Laval, Saint Léonard, etc...), chacune abritant quelques centaines de familles vietnamiennes. Les autres, dotées d'un revenu plus modeste, dès que leur situation financière leur permet d'acquérir un logement, délaissent alors les appartements sociaux, et s'installent ailleurs, notamment en banlieue de Montréal, et se fondent dans la population locale.
Les contacts et les relations entre Canadiens de souche francophones et Vietnamiens ont lieu dans le travail, et aussi dans la vie quotidienne. Les premiers, par exemple, souvent, n'hésitent pas à fréquenter les restaurants sino-vietnamiens ou à entretenir des relations avec les Vietnamiens.
Par contre, l'adaptation et l'intégration des Vietnamiens dans la société canadienne anglo-saxonne (à Toronto et Vancouver, par exemple) sont un peu plus complexes. En effet, ils sont en majorité venus au Canada, lors de la 2e et 3e vagues d'immigration. Issus pour la plupart de familles modestes et peu instruites, ils sont logés dans des immeubles sociaux et ont tendance à vivre regroupés en ghettos. Ils entretiennent peu de contacts et de relations avec les Canadiens anglo-saxons, sauf dans le cadre du travail. Il en est de même pour les Vietnamiens appartenant aux classes privilégiées et moyennes. Vivant en communauté, en circuit fermé, les Vietnamiens des provinces anglophones se retrouvent en fin de semaine et organisent des activités communautaires (messes, fêtes traditionnelles du Vietnam, cours de vietnamien pour les jeunes, surprises-parties, sports, etc...).
Pour sauvegarder leur identité, les parents ont créé des associations, construit des pagodes, des églises, etc... grâce à la cotisation des fidèles. Ces activités communautaires sont très encouragées par le gouvernement fédéral et les autorités locales, prêtes à leur fournir des subventions financières substantielles.
A Montréal, par exemple, on compte une cinquantaine d'associations (à caractère culturel, religieux ou politique), 6 pagodes, 5 églises vietnamiennes (catholiques et protestantes), un temple caodaïste (20). Parmi les pagodes et les associations, les plus connues et les plus fréquentées sont la pagode "Huyên Không" et la "Communauté vietnamienne de Montréal". Elles sont en quelque sorte des centres socioculturels vietnamiens, chacun doté d'un local pour ses activités (une bibliothèque, des classes pour l'enseignement de la langue et de la civilisation vietnamiennes, des arts martiaux). La pagode est particulièrement animée en été, période des vacances scolaires. Les parents d'élèves organisent alors des cours gratuits, dispensés par les fidèles, les étudiants ou les retraités. Non seulement les taxes foncières et d'habitation sont exonérées pour la pagode, mais l'Etat accorde même des subventions financières à la "Communauté vietnamienne de Montréal", pour le fonctionnement de son centre. On retrouve ces mêmes activités communautaires à Toronto et Vancouver. Comme aux Etats-Unis, le gouvernement canadien semble favoriser de telles activités, pour aider les immigrés à maintenir leur langue, leur tradition, leur culture et leur civilisation, chacune des minorités devant sauvegarder son identité. Malgré des moyens importants, la communauté vietnamienne n'a pas bien réussi, semble-t-il, dans cette tâche. Ainsi, le centre des personnes âgées à Montréal, créé depuis 1992 (21), a reconnu que ses activités sont encore modestes et peu efficaces.
Dans l'état actuel, on trouve plutôt des centres de rencontres, de distractions (causeries, repas d'amitié, excursions organisées, réceptions à l'occasion des fêtes traditionnelles et de fin d'année, etc...) Certaines activités communautaires importantes (encouragées par le gouvernement canadien) telles que la création de maisons de retraite, de centres médico-sociaux pour les personnes âgées, par exemple, sont jusqu'à présent à l'état de projet seulement. Souvent, l'acculturation et l'intégration rapide des jeunes dans la société canadienne inspirent une certaine inquiétude aux parents. "Ils risquent", selon l'expression employée par eux, "de perdre leurs racines" (mât gôc en vietnamien).
En général, les enfants des familles intellectuelles s'expriment difficilement en vietnamien, car leurs parents, souvent actifs tous les deux, les laissent à l'école ou à la crèche. Ainsi, ils restent pendant la journée avec la nourrice ou leur maître d'école et leurs camarades canadiens de souche et parlent donc la langue du pays d'accueil. A la maison, les conversations entre l'aîné et les cadets se font en langues canadiennes (anglais ou français) au détriment de la langue maternelle. De surcroît, nombre de parents pensent que leurs enfants ont intérêt à bien parler la langue du pays d'accueil pour mieux réussir dans leurs études. Ainsi, ils les encouragent à la parler aux dépens de la langue vietnamienne. Par contre, les enfants des familles modestes (cas des ouvriers, des paysans, des pêcheurs, par exemple) parlent mieux le vietnamien, en raison de la faible connaissance de l'anglais (ou du français) de leurs parents. Cependant, au fur et à mesure que les enfants grandissent et atteignent l'âge de scolarité, ils ont tendance à ne plus parler le vietnamien, sauf le cas où les proches, leurs grands-parents à la retraite, par exemple, vivent sous le même toit et continuent de pratiquer la langue maternelle avec eux. La tendance des jeunes à parler de moins en moins le vietnamien est irréversible.
Nos enquêtes révèlent que 56% des enfants, arrivés en bas âge ou nés au Canada, parlent moyennement ou sommairement le vietnamien, et plus de 90% ne savent ni lire ni écrire. 76% des couples de notre échantillon sont actifs et ont peu de temps à consacrer à leurs enfants pendant la journée. Les classes de vietnamien d'été n'ont pas attiré beaucoup de monde. On compte une centaine d'élèves (4 niveaux), inscrits chaque année à la pagode "Huyên Không". Le souci constant des parents est de sauvegarder l'identité de leurs enfants, et en même temps ils veulent qu'ils réussissent dans le pays d'accueil. Ainsi, ils les encouragent à faire des études, acquérir des diplômes, avoir l'esprit pragmatique des Canadiens. "C'est la seule et l'unique voie", selon leur expression, "dans laquelle leurs enfants doivent s'engager. Il n'y a aucune autre alternative...". Ce propos semble refléter l'opinion générale des Vietnamiens au Canada. Cependant, comment réconcilier les deux cultures, canadienne et vietnamienne?
Tout en favorisant leur acculturation et leur intégration dans la société canadienne, ils continuent de préserver certains principes moraux confucéens dans l'éducation de leurs enfants. On retrouve ces mêmes principes dans les familles vietnamiennes en France et aux Etats-Unis (24).
- Ainsi, on observe l'ordre, la discipline, la hiérarchie au sein de la famille vietnamienne. Le premier code de conduite de l'enfant est la politesse, l'obéissance envers ses parents, ainsi que le respect envers ses aînés et les personnes âgées, conformément à l'enseignement de Confucius:" La politesse passe avant les études". En famille, l'enfant s'adresse à ses parents, en utilisant la 3e personne. Il ne prendra la parole que si ces derniers lui donnent l'autorisation et cette même conduite de l'enfant se retrouve à l'école.
- Un autre aspect fondamental de l'éducation de l'enfant vietnamien est l'esprit de famille et la considération des diplômes. Les Vietnamiens donnent une grande importance à l'unité et à l'honneur de la famille. Ainsi, chacun doit veiller à ses actes, éviter de "faire perdre la face". Cependant, on constate que sur ce point, il existe un certain relâchement au Canada. Alors que les divorces, par exemple, étaient peu nombreux au Sud-Vietnam avant 1975, ils deviennent assez fréquents au Canada. Divers cas de délinquance juvénile (racket, gangstérisme, trafic de drogue, etc...) ont défrayé la chronique dans la presse canadienne (locale et voire nationale). On remarque que les plus nombreux délits (avec des circonstances aggravantes) ont été commis à Vancouver, où les jeunes délinquants, originaires de "boat-people" nord-vietnamiens de la 3e vague, sont venus s'établir (en vertu du programme HO), en provenance des camps de réfugiés de Hong-Kong.
Mis à part cet aspect négatif relativement peu fréquent, la réussite des jeunes Vietnamiens a surpris le pays d'accueil. En général, les familles vietnamiennes aisées ou modestes n'hésitent pas à se priver, pour permettre à leurs enfants de faire des études poussées. La société vietnamienne apprécie certains diplômes comme la médecine, l'odontologie, la pharmacie, l'ingénierie. Ainsi, bon nombre de familles orientent leurs enfants vers les professions de santé (même si leurs moyens financiers sont limités).
- 20 chefs de famille (sur 30 de notre échantillon exerçant des professions médicales) affirment qu'un ou plusieurs de leurs enfants sont (ou vont devenir)médecins, pharmaciens ou chirurgiens dentistes.
- 10 mentionnent que leurs enfants exercent (ou vont pratiquer) des professions autres que celles médicales: ingénieurs, cadres de gestion ou techniciens, etc...
- Sur 70 chefs de famille restants de notre échantillon (exerçant diverses professions autres que celles de santé), 65% expriment leurs mêmes préférences dans le choix et l'orientation professionnelle de leurs enfants, et 35% sont sans opinion, pour des raisons diverses: ils sont encore jeunes ou sans enfants, et n'y pensent pas encore, etc...
En bref, les Vietnamiens attachent une grande importance à l'éducation confucéenne et à la formation professionnelle de leurs enfants, tout en essayant de les fixer dans leur identité vietnamienne.
Conclusion
La reconversion professionnelle des réfugiés vietnamiens a été dans l'ensemble satisfaisante, avec néanmoins un certain "déclassement" social, pour certaines catégories socioprofessionnelles. Cependant, grâce à leur persévérance, presque tous mènent une vie décente, dix ans après leur implantation dans le pays d'accueil, et leur niveau de vie ne cesse de progresser. Cette situation s'explique par leur grande facilité d'adaptation et d'intégration et surtout leur volonté de réussir leur nouvelle vie, tout en préparant l'avenir et l'insertion de leurs enfants au Canada.
Notes
N o t e s
(1) Cf. Lâm Thanh Liêm et Jean Maïs, La diaspora vietnamienne dans le monde, Reflets d'Asie n°40, Institut de l'Asie du Sud-Est, Paris, 1995.
Cf. Lâm Thanh Liêm, La diaspora vietnamienne aux Etats-Unis d'Amérique, Eglises d'Asie, 231, Missions étrangères de Paris, 1996.<br />
(2) Selon un responsable du Bureau du recensement canadien, la population vietnamienne devrait être beaucoup plus élevée, si l'on prend en compte des Vietnamiens d'origine chinoise.<br />
(3) Lê Khoa, Tinh hinh kinh-tê Miên Nam Viet-Nam 1955-1975 (La situation économique du Sud-Vietnam 1955-1975), Institut des sciences économiques, Hô Chi Minh-Ville, 1979, p.207 (documents de circulation interne, hors commerce).<br />
Cf. Lâm Thanh Liêm et Jean Maïs, La reconversion professionnelle et l'intégration de la communauté vietnamienne dans la région parisienne, Acta geographica, 104, Société de géographie, Paris, 1995.<br />
(4) La Presse, Montréal, 1-02-1992.<br />
(5) Résultats de nos enquêtes auprès des réfugiés vietnamiens.<br />
(6) Sur 100 chefs de famille interviewés:<br />
- 40 sont installés dans la région de Montréal;<br />
- 40 dans l'agglomération de Toronto;<br />- 20 à Vancouver et sa banlieue.<br />
(7) Cf. Lâm Thanh Liêm, La diaspora vietnamienne aux Etats-Unis d'Amérique, op.cit.<br />
(8) Source: Statistiques du Canada, Total Vietnamese ethnic origin population 1991, 1996, Nation, provinces and territories.<br />
(9) La Presse, Montréal, 1992<br />
(10) Résultats de nos enquêtes.<br />
(11) Statistiques estimées, fournies par une Association de Vietnamiens à Toronto.<br />
(12) Source: Statistiques du Canada, op.cit.<br />
(13) Chiffres fournis par une Association de Vietnamiens à Vancouver.<br />
(14) Résultats de nos enquêtes.<br />
(15) Chiffres fournis par une association de Vietnamiens à Vancouver.<br />
(16) Pour mener à bien cette étude, nous avons préparé un questionnaire simple d'une page dactylographiée, que nous avons envoyé à des familles vietnamiennes. Il comprend 2 parties:<br />-
Une liste de questions fermées où nous avons demandé au chef de famille de cocher ou choisir une réponse parmi 2 ou 3 qui lui sont proposées (âge, sexe, situation matrimoniale, professions ancienne et actuelle, etc...)<br />
- Une seule question ouverte à laquelle les réponses ne sont pas limitées: "Que pensent les parents, face à l'acculturation et l'intégration rapide de leurs enfants dans la société canadienne?"<br />
Après le dépouillement des documents, les résultats ont été ensuite vérifiés et complétés sur place. Nous tenons à remercier expressément nos compatriotes résidant au Canada:<br />
- Monsieur Truong Thai Tôn, ex-ministre de l'Economie du Sud-Vietnam;<br />
- Monsieur Trân Nhu Long, ex-professeur de la Faculté des Sciences, et Monsieur Trân Trung Luong, ex-professeur de la Faculté de Pédagogie de l'Université de Saigon de nous avoir aidé à parachever cette enquête..<br />
(18) La liste des médecins vietnamiens du monde libre, Association des médecins vietnamiens au Canada, Montréal, 1993, pp. 194-202.<br />
(19) La liste des pharmaciens vietnamiens du monde libre, Association des pharmaciens vietnamiens au Québec, Montréal, 1992, pp. 5 - 19.<br />
(19) L'assurance dentaire coûte environ 800 dollars par an, pour un célibataire, 1.300 dollars, pour une famille de 5 membres dans la région de Montréal (résultats de nos enquêtes).<br />
(20) Annuaire jaune vietnamien 97 (Niên giam vàng 97), Mont-Royal, 1997, pp. 18, 26, 27.<br />
(21) Bulletin des pharmaciens du Québec, 18, Montréal, 1996, p. 4.<br />
(22) Annuaire jaune vietnamien 97, op.cit., p. 198.<br />
(23) Résultats de nos enquêtes.<br />(24) Cf. Lâm Thanh Liêm et Jean Maïs, La diaspora vietnamienne en France, un cas particulier: la région parisienne, Eglises d'Asie, 207, Missions étrangères de Paris, 1995.<br />
Cf. Lâm Thanh Liêm, La communauté vietnamienne aux Etats-Unis: sa reconversion professionnelle et son intégration dans la société américaine, Acta geographica, 115, Société de géographie de Paris, Paris, 1998, pp. 26-40.<br />
Copyright
(EDA, janvier 1999)<br />

http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/vietnam/reconversion-professionnelle-et-integration

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