Saturday 16 June 2012

«Première dame : un rôle à définir dans le cadre du couple»

François Hollande et sa compagne Valérie Trierweiler, à Tulle le 21 avril.
François Hollande et sa compagne Valérie Trierweiler, à Tulle le 21 avril. ((Photo Stephane Mahe. Reuters))

Interview Anne Levade, professeur de droit constitutionnel à l’université de Paris-XII, estime que la loi n'a pas à codifier le statut de conjoint présidentiel.

Recueilli par Pascale Nivelle
Anne Levade, professeur de droit constitutionnel à l’université de Paris-XII, a fait partie d’une commission chargée de réfléchir au statut pénal du Président sous Jacques Chirac.
Faut-il instaurer un statut juridique pour la première dame ?
S’il n’en existe aucun actuellement, c’est que, par définition, on élit un chef de l’Etat, sans qu’il ait nécessairement une compagne ou un compagnon. Ensuite, l’organisation de l’Elysée incombe à celui qui est titulaire de la fonction, et la question du statut du conjoint ne se pose pas à mes yeux. S’il fallait en établir un, le droit ne serait de toute façon pas une réponse. Quel texte de droit pouvait permettre d'éviter l’incident du tweet ? Prévenir Valérie Trierweiler de réagir personnellement ? Son rôle est à définir dans le cadre du couple. La seule limite est qu’il ne doit pas interférer sur le rôle du chef de l’Etat. Le rôle du conjoint est à définir à deux. A-t-elle bien ou mal agi ? C’est un problème de conscience et un problème de couple, auquel le droit n’apporte aucune réponse. Toute la difficulté dans l'épisode récent est qu’on se situe aux confins de la vie privée et des enjeux politiques. Encore une fois, je ne vois pas le droit régir ce genre de situation.
Valérie Trierweiler bénéficie d’un bureau et de cinq personnes à l’Elysée, sans compter les officiers de sécurité : un chauffeur, des secrétaires, un chef de cabinet. Cela n’a rien d’officiel, mais cela existe et a un coût pour la République...
Cette pratique non codifiée s’est établie au fil des années, selon la perception de chacune de son rôle de première dame. C’est un choix interne à l’Elysée, fait de façon discrétionnaire par le chef de l’Etat qui décide de dédier une partie de son budget au fonctionnement de ce cabinet. Lui attribuer un budget officiel reviendrait de fait à reconnaître un rôle au conjoint. Je pense qu’il faut laisser les choses en l'état, même si la période de réglage actuelle est mouvementée. Le contrôle existe, comme pour toutes les autres dépenses de l’Elysée, soumises à la surveillance de la Cour des comptes.
Contrairement à Valérie Trierweiler, qui n’est pas rémunérée, Cécilia Sarkozy occupait la fonction de conseiller politique. Etait-ce plus clair ?
Encore une fois, c’est le choix discrétionnaire du Président. La seule sanction est démocratique, en fin de mandat. Ce sont les électeurs qui jugent et décident de lui faire confiance une deuxième fois ou non. Evidemment, la question problématique du conflit d’intérêt est permanente, mais elle l’est dans chaque nomination. Dès lors qu’on nomme quelqu’un qu’on connaît, il peut y avoir suspicion, c’est valable pour tous les collaborateurs du Président. C’est une question de confiance. Je ne suis pas favorable au mythe de la transparence absolue. Car soit on remet tout en cause, soit on fait confiance. Si on remet tout en cause par des textes, cela peut paralyser l’action de celui qui vient d'être élu. Il peut perdre la maîtrise absolue de son travail.
Comment cette question est-elle traitée à l’étranger ?
A ma connaissance, aucun système n'établit le statut du conjoint du dirigeant, hormis dans les monarchies, qui accordent un rôle bien défini au Prince consort. Ces questions se règlent au cas par cas, parfois il arrive qu’il y ait des affaires, ou des scandales, mais cela ne relève pas du droit.
http://www.liberation.fr/politiques/2012/06/14/statut-de-la-premiere-dame-quel-texte-pouvait-eviter-l-incident-du-tweet_826330?xtor=EREC-450207
 

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